La famille a un rôle social de contrôle et d’éducation. C’est dans le cadre familial que les choix scolaires et professionnels des filles leur sont imposés, que leurs tenues et leurs comportements sociaux et sexuels sont les plus violemment critiqués, que le dressage à la prise en charge des tâches domestiques s’effectue le plus efficacement.

Un cadre d’exploitation

La famille constitue en effet un cadre d’exploitation des femmes dès la jeunesse : les lycéennes et les étudiantes passent en moyenne 37 minutes par jour de plus que leurs condisciples masculins (ou leurs frères…) en tâches domestiques (1h27 contre 50 minutes). Chez les salarié-e-s, l’écart se creuse : 2h06 par jour en moyenne pour les hommes, 3h27 pour les femmes. Ménage, rangement, vaisselle, cuisine, linge, courses, soins aux enfants et aux adultes, mais aussi bricolage, jardinage et soins aux animaux… Les premiers bénéficiaires ? Les hommes de la famille (conjoint, frère(s), fils) : non seulement ils ont plus de temps pour leur carrière professionnelle (1h de plus de travail et de formation par jour en moyenne chez les salariés), mais ils bénéficient aussi de trois quarts d’heure de loisirs de plus par jour (4h24 de loisirs par jour contre 3h46 pour les femmes : une différence déjà présente chez les jeunes avec 4h35 de loisirs chez les lycéens et étudiants contre 3h19 pour les filles de la même catégorie)1.

Le patriarcat, système de domination, d’oppression et d’exploitation des femmes fondé sur la puissance paternelle et masculine, rejoint alors les besoins du capitalisme.

Retour à l’ordre moral

La structure familiale est un outil pour la classe dominante, car elle permet de fractionner la classe ouvrière en cellules familiales réduites (comme avec la disparition au XIXème siècle de la cuisine collective de palier, qui créait une trop grande socialisation ouvrière).

Les politiques familialistes, comme on en voit le retour avec les débats sur le quotient familial ou les attaques du FN contre le Planning familial et son rôle d’accompagnement à l’IVG, visent donc la pérennisation d’un système dont la clé de voûte est l’oppression et l’exploitation des femmes. Le quotient familial donne ainsi un crédit d’impôt en fonction du rapport entre le revenu de la famille et le nombre de personnes « à charge ». Le principe même de crédit d’impôts, au lieu d’une aide financière, exclut du dispositif les familles pauvres non imposables. Le système par « personnes à charge » favorise l’arrêt de l’activité professionnelle des femmes des classes moyennes. Dans la même logique, le FN préconise le retour de la femme au foyer avec la création d’un « salaire parental ».

Quel intérêt pour les capitalistes de perdre ainsi une partie de la main-d’œuvre ? En temps de fort chômage, le retour des femmes au foyer permet de diminuer artificiellement les chiffres du chômage et la pression sur le marché de l’emploi. Par ailleurs, si les femmes assument la majeure partie du travail domestique, les services publics peuvent être plus facilement attaqués : santé, petite enfance, assistance aux personnes âgées et aux handicapé-e-s… Enfin, des femmes au foyer sont isolées et donc moins menaçantes pour l’ordre social.

Dans la jeunesse, l’oppression et l’exploitation familiale se fait d’autant plus durement sentir du fait de la dépendance économique des jeunes filles. C’est également le cadre principal des violences psychologiques, physiques et sexuelles. Or pour s’en échapper, avec une rémunération moindre (salaire plus bas, temps partiel, sous-emploi), beaucoup n’ont qu’une solution : se mettre en couple. La boucle est alors bouclée, le cantonnement de chaque femme dans sa cellule familiale étant garanti par leur vulnérabilité économique. Ainsi, 55% des filles de 20 à 24 ans sont en couple, contre 29% des garçons2. Pourtant, la protection n’est pas meilleure : une femme meurt toujours tous les deux jours et demi sous les coups de son compagnon3.

Chloé (Comité Jeunes Sorbonne)

  • 1 – Chiffres de l’Insee : Vivre en couple, 2006
  • 2 – La criminalité en France, Rapport de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, 2011
  • 3 – La criminalité en France, Rapport de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, 2011