Les travailleuses, parmi les premières victimes de la crise ?

Depuis le début de la crise en 2008, les attaques contre les travailleurs et les travailleuses se multiplient. L’austérité nous fait payer de plus en plus cher cette crise dont nous ne sommes pas responsables. Ces mesures touchent en particulier les femmes, non seulement dans le monde du travail, mais également dans tous les aspects de leur vie.

Retour sur le salariat féminin

Depuis toujours, les femmes servent de main d’œuvre de réserve pour les capitalistes. Le travail des femmes est aussi vieux que le salariat. Dès le dix-neuvième siècle, elles sont employées comme domestiques par les familles bourgeoises, pour aider dans l’agriculture ou encore comme ouvrières, notamment le textile, mais souvent dans de petites unités de production. Elles gagnent un tiers ou la moitié du salaire des ouvriers.

Durant la Première guerre mondiale, les hommes sont au front et les ouvriers viennent à manquer. Les femmes vont donc les remplacer dans de plus grandes unités de production, les usines et elles vont connaître des augmentations de salaires (sans toutefois rattraper le niveau des hommes), ne pouvant plus vivre de celui de leur conjoint.

Ce nouvel état de fait bouscule le discours de la morale bourgeoise. Si auparavant on poussait les femmes à rester au foyer, la guerre voit le développement d’un discours nationaliste valorisant le travail féminin, « dans l’intérêt de la nation ».

Cette nouvelle main main-d’œuvre aussi performante que l’ancienne est bien plus rentable pour les capitalistes. Le travail de nuit se développe, les conditions de travail se dégradent. L’exploitation de ces ouvrières est rendue encore plus facile. Ce scénario se répétera durant la Seconde guerre mondiale, puis lors de la reconstruction du pays.

Les femmes face à la crise

En dehors des périodes de très forte activité économique (notamment les guerres ou la reconstruction), le capitalisme cherche à rendre les salarié-e-s le plus flexibles possible. C’est notamment vrai dans des secteurs féminisés, comme le nettoyage ou la grande distribution. Les embauches à temps partiel et en CDD y sont les plus nombreuses.

Victimes de la précarité, des temps partiels imposés et des salaires bien souvent inférieurs à ceux des hommes, les femmes se retrouvent souvent privées d’emploi. Elles sont les premières victimes de la casse du service public : manque de places en crèches et absence de nouveaux espaces d’accueil, suppression de classes de maternelle… Tout ces obstacles les renvoient irrémédiablement à des mi-temps imposés, afin de concilier travail et garde des enfants. La précarité et le chômage, souvent combinés, servent de fer de lance à la remise en cause des acquis.

Les chiffres sont éloquents. 82% des salarié-e-s à temps partiel sont des femmes. Ces emplois ne leurs permettent souvent pas de subvenir à leurs besoins, et nombreuses sont celles qui tombent peu à peu dans la pauvreté.

Si les femmes sont plus touchées que les hommes par le chômage, cela n’est pas forcément visible par le nombre de licenciement. Les précaires, et donc bien souvent les femmes, ne sont pas licencié-e-s. Ce sont leurs contrats à durée déterminée, leurs missions d’intérim qui ne sont pas renouvelés ou leurs postes dans la fonction publique qui ne sont pas remplacés. Les chiffres du chômage ne prennent pas en compte ce type de destruction de postes. C’est un moyen de diminuer le taux de chômage officiel.

Bien sûr, toutes les femmes ne sont pas concernées. Celles issues des classes sociales plus élevées ont les moyens de payer des assistantes maternelles et des agents d’entretien.

Le retour à l’ordre moral

Les attaques contre le droit des femmes à disposer librement de leurs corps sont régulières : fermetures de centres IVG, dénigrement du Planning familial, moyens de contraceptions et de protections de moins en moins accessibles… Les plans d’austérité et les attaques du gouvernement envers les jeunes et les salariés s’accompagnent d’attaques spécifiques contre les droits des femmes. C’est aussi l’indicateur d’un retour à l’ordre moral, visible depuis plusieurs années.

La fermeture régulière de centre IVG faute de financements implique que de nombreuses femmes se retrouvent dans une situation de grossesse non désirée.

Le désengagement de l’État vis-à-vis du Planning familial ne peut que renforcer ce problème, puisqu’il est le principal interlocuteur en matière de contraception, protection et avortement. Ces attaques vont de pair avec la montée en audience de partis réactionnaires comme le FN. Derrière sa nouvelle façade « progressiste », les mêmes valeurs familiales réactionnaires subsistent.

Marine Le Pen défend le déremboursement de l’IVG sous prétexte qu’il existe de nombreux moyens de contraceptions. Citons aussi dans le programme de Marine Le Pen un « revenu parental » s’élevant à 80% du SMIC. S’il s’adresse officiellement « aux pères et aux mères », c’est bien évidement une grande majorité de femmes qui cesseraient leurs activités professionnelles pour s’occuper de leurs enfants. Un écho à la vieille idée misogyne du retour au foyer des femmes pour diminuer le chômage des hommes.

La crise cristallise le racisme et la lesbophobie

Nous vivons dans une société patriarcale, c’est-à-dire une société dans laquelle l’ordre social et familial se concentre autour du père, ou de l’homme en général. On fait passer pour « normale » la domination de l’homme sur la femme. Le premier cercle d’oppression est la cellule familiale : les femmes en sont la main-d’œuvre gratuite pour tout ce qui tient des tâches ménagères (80% des tâches domestiques sont encore assumées par des femmes), de l’éducation des enfants, etc.

La rémunération des femmes étant toujours inférieure à celles des hommes, il leur est difficile d’avoir leur autonomie, d’assumer leur sexualité. Elles sont poussées à se mettre en couple avec un homme pour éviter la précarité et le manque d’argent.

L’ordre moral, le sexisme se développent en période de crise, de même que le racisme, l’homophobie et tout ce qui peut diviser le camp des opprimé-e-s. L’idéologie dominante stigmatise les personnes non blanches ou venant de quartiers populaires, rendant difficile l’accès à l’emploi. Les sans-papiers et sans-papières, en situation clandestine, sont corvéables à merci et sans protection sociale. Difficile de se défendre en cas de problèmes, par exemple de harcèlement.

Être une femme lesbienne est également plus difficile en temps de crise, avec le repli vers la cellule familiale. Par exemple, il est fréquent que des jeunes soient rejeté-e-s par leur famille en raison de leur orientation sexuelle. Ils se trouvent alors plongés dans la précarité.

Tout au long de l’année, dans les échéances militantes comme dans les élections, nous mettons en avant des revendications féministes d’urgence, notamment : l’égalité de salaires entre hommes et femmes, la transformation des emplois précaires en CDI, l’interdiction des licenciements, l’accès libre et gratuit aux moyens de contraceptions et de protections, ainsi qu’à l’avortement, la création de foyers d’accueil autogérés par les associations LGBTI pour les jeunes en situation de rupture familiale…

Ambre (Comité Jeunes Le Mans)

Quelques lectures

• Alexandra Kollontaï, « Conférences à l’université Sverdlov sur la libération des femmes », 1921

www.marxists.org/francais/kollontai/works/1921/0a/kollontai_conf.htm

• Angela Davis, « Femmes, race et classe », 1981

• IVème Internationale, « La révolution socialiste et la lutte de libération des femmes », Résolution adoptée par le XIème Congrès mondial de novembre 1979

www.lcr-lagauche.be/cm/index.php ?option=com_content&view=article&Itemid=53&id=745

Quelques films

• Le sel de la terre, réalisé par Herbert J. Biberman, 1954

• We want sex equality, réalisé par Nigel Cole, 2010

• La domination masculine, réalisé par Patric Jean, 2009