Interview de Philippe Poutou : « Un prolongement aux révoltes de la jeunesse »

L’ÉA : Que réponds-tu à ceux qui demandent à quoi rime ta candidature ?

PP : Le NPA a décidé de présenter un candidat avant tout parce qu’on veut virer Sarko et parce qu’on ne fait aucune confiance à Hollande et à ses alliés. Il est important que ceux qui s’indignent, qui se révoltent contre le système, sa crise et ses conséquences puissent exprimer leurs voix. Et moi, je suis un ouvrier, quelqu’un qui trime, qui a lutté contre les licenciements… Pas un politicard qui dit « je suis proche de vous » mais qui ne connaît rien à nos conditions de vie.

L’ÉA : On rencontre beaucoup de gens qui sont d’accord avec toi, mais vont quand même voter PS…

PP : Nos ennemis c’est l’UMP et le FN. Mais on ne pense pas que le PS s’oppose frontalement à leur politique. « Donner du sens à la rigueur », refuser la retraite à 60 ans à taux plein ou dire que l’autonomie des universités est une bonne chose, ce n’est pas se situer dans la suite des mobilisations qu’il y a eu contre Sarkozy… Le « vote utile » au premier tour, c’est le vote pour ses propres idées, pour un programme de luttes qui s’oppose frontalement à la politique du MEDEF.

L’ÉA : Même si on détaille des mesures dans ce journal, peux-tu indiquer quelques aspects du programme ?

PP : On parle d’un programme d’urgence, d’un bouclier social, avec l’interdiction des licenciements, l’augmentation de tous les salaires de 300 euros net, le SMIC à 1700 euros maintenant ! Il faut annuler la dette et ses intérêts, arrêter les cadeaux fiscaux et augmenter les impôts sur les riches et les grandes entreprises. On veut saisir les banques et les unifier sous contrôle de la population et des travailleurs. On veut sortir du nucléaire en moins de dix ans, en développant des énergies renouvelables, en créant un service 100% public de l’énergie.

L’ÉA : C’est réaliste tout ça ?

PP : Ce qui est irréaliste, c’est de laisser faire les choses. Dans les manifs, on entend : « de l’argent, il y en a dans les caisses du patronat ». Et c’est vrai ! Bernard Arnault (patron de LVMH, ndlr) possède 21,24 milliards d’euros, Gérard Mulliez (Auchan) 21 milliards, Bettencourt (L’Oréal) 17,5 milliards… Il y a cinquante-et-un milliardaires en France, onze de plus qu’en 2008. On veut reprendre les cadeaux faits aux riches ces trente dernières années. C’est ça qui a creusé la dette de l’État, pas les dépenses sociales. Si on arrêtait de payer ne serait-ce que ses intérêts, on économiserait 50 milliards par an.

L’ÉA : Tu penses que voter pour toi c’est suffisant pour mettre en place ce programme ?

PP : Non, c’est aussi une de nos différences avec le Front de gauche. En 1936, aucune des mesure du Front populaire (congés payés, etc.) n’étaient au programme d’aucun parti. Ce qui a forcé le gouvernement à mettre en place ces réformes, c’est la grève de millions de travailleurs, le blocage des entreprises et les manifestations monstre !

Pour mettre en place notre programme, il faudra des luttes énormes, de l’ensemble des jeunes et des travailleurs, quelque chose de plus fort que ce qu’on a fait sur les retraites.

Si Hollande est élu, il y aura besoin d’une riposte unitaire contre l’austérité « de gauche », en totale indépendance du gouvernement.

C’est la proposition qu’on fait à tout le monde. Voter pour le NPA, c’est dire qu’on est d’accord avec ce programme. C’est donner un prolongement aux révoltes de la jeunesse et des salariés. C’est dire que l’on est contre le système capitaliste et qu’on veut changer de monde !