Dès le début du mois de mars, de nombreuses universités se faisaient le théâtre d’une des plus belles traditions du mouvement étudiant français : les Assemblées Générales. Au départ à l’initiative d’un petit noyau d’étudiants, ou bien de cadres inter-organisations, ces AG ont été une relative surprise : après des années de calme plat dans le mouvement étudiant, ce sont des centaines d’étudiant-e-s qui sont venu-e-s discuter de comment se mobiliser contre cette nouvelle attaque. 700 personnes à Paris 8, 800 à Rennes, jusqu’à 1000 à Paris 1… Ces AG réussies ont donné lieu à la création de comités de mobilisation, qui rassemblaient les étudiant-e-s les plus déterminé-e-s à mener la lutte au quotidien.

Bien vite, une question s’est posée pour les universités les plus mobilisées: Comment décider ensemble de nos rythmes de mobilisation et de nos revendications à l’échelle nationale ? Dès le mois d’avril se réunissait alors la première Coordination Nationale Etudiante, suivie de près par la Coordination Nationale Lycéenne.

Auto-organisation et démocratie, ou comment concilier le nombre avec la radicalité

L’existence des coordinations régionale et nationale ont permis en partie au mouvement de la jeunesse de se doter de leur propre cadre de discussion et de coordination, jusqu’à imposer au mouvement syndical un certain nombre de date de mobilisation (notamment entre le 9 mars et le 31, puis entre le 31 mars et le 28 avril). C’est grâce à ces cadres que les étudiant-e-s et lycéen-ne-s ont pu continuer à tenir le pavé, sans rester isolés fac par fac ou lycée par lycée.

Par ailleurs, alors que la propagande du gouvernement battait son plein pour assigner aux jeunes mobilisés le rôle de « casseurs », et cherchait à semer la division dans les rangs de la mobilisation autour de cette question, le fait d’avoir mandaté des porte-paroles par le biais des coordination nationale a permis de répondre à cette déferlante médiatique. Cette question du porte-parolat aura néanmoins été l’un des plus grands débats des coordinations étudiantes. En effet, pour des organisations comme l’Unef, qui se présente comme « le » syndicat étudiant, nul besoin d’avoir d’autres porte-paroles que le dirigeant national de leur organisation, William Martinet. Mais la colère de la jeunesse peut-elle se satisfaire ainsi d’une porte-parole auto-proclamé, qu’ils n’ont jamais élu et qui ne rend aucun compte ? L’experience de ce porte-parolat, pluriel, mandaté et révocable, aura été une experience importante d’un mouvement qui cherchait à faire entendre sa voix.

Enfin, dans un contexte où la lutte contre la répression a été un élément fort du mouvement, les cadres d’auto-organisation ont aussi démontré leur capacité à apporter une réponse. Dans les coordinations, cette question est revenue régulièrement, avec l’attention à ne pas se laisser diviser sur cette question, et à apporter un soutien collectif aux camarades réprimé-e-s. Mais c’est peut-être en région parisienne où la coordination des différentes universités aura été le plus loin, en cherchant, à donner un cadre pour y répondre collectivement et concrètement, en organisant des rassemblements devant les commissariats où les camarades étaient en garde-à-vue, ou encore en organisant des cortèges auto-gérés, où un service d’ordre auto-organisé permettait de se protéger, au coude à coude, de la violence de la police. A la différence des courants autonomes, nous pensons en effet que c’est ici que se situe la vraie radicalité du mouvement : non dans l’affrontement minoritaire vis à vis des forces de police, mais dans le fait de permettre à tous et toutes de se mobiliser, seul moyen de construire le rapport de force pour nous unir et renverser un jour cette société.

Ces expériences renouaient avec le meilleur du mouvement étudiant français, bien affaibli par des années d’attaques sans riposte collective. Du fait de ce peu de tradition, ces expériences ont néanmoins été limitée : les AG, mêmes dans les universités les plus mobilisés, n’ont jamais atteint les milliers d’étudiant-e-s réuni-e-s pendant le mouvement contre le CPE. Mais pour que le mouvement étudiant et lycéen expriment de pleine voix sa capacité à être un acteur autonome, décidant par lui-même de ces revendications et de ces modalités de lutte, c’est bien sur ces expériences qu’il va nous falloir parier pour la suite. En cette rentrée, sur quelques universités, des comités de mobilisation ou des AG ont d’ailleurs été appelé, pour reprendre les bonnes habitudes du printemps. A nous de faire en sorte que l’air printanier de l’auto-organisation souffle encore quelques temps, pour un mouvement étudiant démocratique et combatif contre les attaques du gouvernement !