Réforme des lycées professionnels : filière pro exploitation

Article publié dans le n°2 de Révolutionnaires (Juin 2023)

Macron, en déplacement à Saintes (Charente-Maritime), entre deux casserolades, a détaillé sa dernière attaque pro-patronale : la réforme des lycées professionnels. L’objectif est clair : « mettre les filières au service de l’économie », a expliqué le ministre de l’Éducation nationale Pap Ndiaye sur France Info le 5 mai. En fait, le gouvernement veut adapter toujours plus les formations en fonction des besoins en main-d’œuvre du patronat.

Ainsi, Macron veut installer des « bureaux des entreprises » dans les lycées, composés d’enseignants et de représentants d’entreprises locales. La volonté affichée est d’accompagner les jeunes dans la recherche des stages, mais en adaptant ces derniers et les formations elles-mêmes aux besoins du patronat local. Par exemple, sur les 3 000 places de formation qui seront créées en septembre, 1 050 seront ouvertes « sur la base des besoins exprimés par les entreprises partenaires des lycées ». Cette réforme de la voie professionnelle – comme celles qui l’ont précédée – se fait au détriment des aspects généralistes qui permettent au travailleur de pouvoir s’adapter aux postes qu’il peut trouver localement justement (et nous ne parlons même pas de l’enseignement général, de plus en plus réduit à la portion congrue) : à quoi bon avoir suivi une formation hyper spécialisée dans les métiers du verre, par exemple, si l’entreprise locale demandeuse ferme ses portes demain ? Pour Macron et les patrons, au travailleur de se déplacer pour retrouver un travail adapté à sa formation et tant pis pour les liens que lui et sa famille avaient pu tisser « localement ».

L’autre mesure phare, l’augmentation des heures de stage, va dans le même sens d’un abandon des aspects généralistes de la formation. Désormais, les classes de terminale distingueront les élèves qui se destineraient à poursuivre des études supérieures, notamment en BTS ou à la fac, et ceux qui iraient directement travailler après le bac. Pour ces derniers, la durée des stages passera de 6 à 12 semaines, soit un tiers du temps scolaire. Pour ces élèves qui suivront ce « module d’insertion professionnelle », la possibilité de changer d’avis, et de se réorienter en BTS par la suite, sera quasiment nulle. De plus, combien de lycéens trouvent un stage qui leur permette vraiment d’apprendre et de se former dans leur filière ? Ainsi, un élève en formation systèmes numériques peut se retrouver… à trier du courrier à La Poste.

En pratique, augmenter le temps des stages revient à confier une plus grande part encore de la formation aux patrons. Du même coup, les enseignements professionnels seraient réduits. De surcroît, pour ces enseignements, Macron prévoit de recruter des « professeurs associés », c’est-à-dire des professionnels vacataires dont enseigner n’est pas le métier.

Pour tenter de rendre la réforme populaire auprès des élèves et des familles, l’État prévoit de rémunérer les stages : 50 euros par semaine en seconde bac pro, 75 euros en première et 100 euros en terminale. Beaucoup penseront que c’est déjà ça de pris, surtout quand il faut payer les frais de transport pour des stages loin du domicile. Mais c’est l’État qui versera cette rémunération. Les patrons disposeront donc d’une main-d’œuvre totalement gratuite, payée par nos impôts ! En réalité, Macron et Pap Ndiaye reconnaissent là tout simplement que, dans la réalité, les stagiaires travaillent seuls dans bien des cas. Alors qu’un stagiaire n’est pas supposé travailler, mais se former en présence permanente de son tuteur.

En plus de toutes ces mesures aux petits soins du patronat, la réforme se fera au prix de nombreuses fermetures de places. L’exécutif annonce que 2 600 formations seront fermées, particulièrement dans le secteur tertiaire, qu’il compenserait par 3 000 ouvertures, dès la rentrée 2023. Mais où et comment seront organisées ces nouvelles formations ? Pour l’instant, les fermetures inquiètent enseignants et élèves. Selon Pap Ndiaye, les enseignants dont les formations disparaissent pourraient être reconvertis dans les collèges ou en primaire, comme si un professeur de vente était qualifié pour apprendre à lire à un élève de CP ! Quant aux quelque 800 élèves des lycées professionnels parisiens menacés de fermeture déjà cette année, ils seront entassés dans d’autres lycées, déjà en sureffectifs.

Toute la réforme, comme les précédentes qui allaient déjà dans ce sens, va dégrader encore plus les conditions de travail des enseignants en même temps que les conditions de formation des lycéens. Pour toutes ces raisons, des syndicats d’enseignants en lycée pro appellent à la grève le 30 mai. Cette date est un point d’appui, les lycéens ont tout intérêt à la rejoindre, et à poursuivre la mobilisation avec la journée intersyndicale du 6 juin prochain.

Louis Trova

20/05/2023